récit fantasmé : le début (2 pages)

Publié le par le lézard

Le documentaire sonore que je souhaite réaliser a pour sujet un mouvement qui s’est construit autour de la musique et d’une certaine idée de la vie en société. Ce mouvement porte différents noms mais pour synthétiser on peut parler du mouvement underground techno. Je souhaite apporter un éclairage sur les raves-party et ce en me servant de la musique pour porter mon récit. L’objectif de cet éclairage est d’essayer d’expliquer aussi simplement que possible en quoi consiste ces soirées. Je n’ai ni la prétention ni la volonté de faire des généralités et de vouloir expliquer en quoi consistent toutes les formes possibles et imaginables de raves-party en France ou à l’étranger. Je me limiterai donc à tenter d’expliquer, de faire découvrir ces soirées à travers celles qui se déroulent le week-end en Charente et que l’on qualifie de free party. J’essaierai également de mettre l’accent sur l’importance de ces soirées en matière de création d’une forme de lien social, en matière de rencontres riches et variées. J’essaierai également de faire visiter à travers la musique, des interviews mais également des bruitages une de ces soirées. Enfin je tenterai de répondre à certaines questions que les gens peuvent se poser sur ce type de soirées et notamment à une question que posent aujourd’hui les sociologues relativement au développement des raves-party : la rave est-elle un entre-deux, une phase transitoire, entre l’adolescence et l’âge adulte, est-elle un outil de construction de l’individu ou a-t-elle une existence propre ? Je reconnais qu’il est relativement ambitieux de vouloir à la fois raconter le plus simplement du monde en quoi consistent ces soirées tout en tentant en même temps de répondre à ces questions sociologiques. Et pourtant il me semble que c’est intéressant et que ce n’est pas impossible. D’ailleurs on dit souvent que rien n’est impossible. Je crois malgré tout qu’il y a des limites à ce raisonnement et je pense que je prendrai certainement conscience au fur et à mesure de l’avancée de mon travail de ce qui est de l’ordre du possible et de ce qui ne l’est pas. Si j’essaie d’imaginer à quoi pourrait ressembler ce documentaire sonore une fois achevé, je vois une sorte de grande partition musicale sur laquelle pourront se lire les rythmes de la rave, ses temps. La musique fera partie intégrante de ce documentaire et occupera une place essentielle au milieu des interviews, des ambiances sonores, de ma propre voix. Mais elle n’aura pas une place accessoire car je pense en effet que c’est bien, dans ce cas particulier, pour le traitement de ce sujet, la musique qui est la mieux à même de raconter les temps de la rave. Elle s’y prête doublement : d’une part parce que la rave n’existerait pas, n’aurait pas lieu d’être sans le son, sans la musique et d’autre part parce qu’en fonction du type de musique qui est jouée à un instant donné, en fonction du nombre de Battements Par Minute (on parle dans le jargon de « Bpm »), la rave évolue dans ses temps. La musique techno se prête donc bien à raconter une histoire parce que ses rythmes sont très marqués, c’est une musique syncopée et on peut la ralentir ou l’accélérer en jouant sur les Bpm sans que cela ne dénature la musique. C’est en quoi je pense qu’elle peut être un formidable outil, offrant de nombreuses possibilités. Je vois la musique techno comme un bloc de pâte à modeler que je vais pouvoir déformer, allonger, raccourcir à ma guise. J’aimerai réussir à faire en sorte que la musique, dans sa progression, dans ses variations, dans ses intensités, raconte une histoire. Une histoire simple. Le récit d’une soirée, du moment où ses participants l’attendent jusqu’au moment ou, exténués, ils regagnent leur lieu de vie. Ainsi, dans l’idée que je m’en fais, ce sont les morceaux d’interview, les bruitages, le son ambiant ainsi que ma propre voix qui illustreront la musique et non l’inverse. En y pensant j’essaie d’imaginer ce que peut être une musique qui raconte une histoire et ce qui me vient à l’esprit là comme ça en même temps que j’écris et bien c’est Pierre et le loup. Dans mes souvenirs la musique de Pierre et le loup fait exactement ce que je souhaite parvenir à faire : raconter un histoire. Ceci me confirme alors que c’est possible, me conforte dans mon idée, et quelque part, je crois, me rassure. Si j’ai besoin de me rassurer c’est parce que je sens que ça ne va pas aller sans difficultés. Difficultés de bien utiliser la musique, difficultés d’intéresser, difficultés de prendre suffisamment de recul, difficultés de bien expliquer sans tenter de convaincre. A présent je vais essayer de visualiser, ou plutôt d’entendre ce à quoi pourrait ressembler cette partition musicale si elle était jouée. Je ferme les yeux. Au commencement, des portières qui claquent, des crissements de pneus peut être. Oui des crissements de pneus, des bruits de véhicules, de moteur, de carlingue. Pas de musique dans un premier temps. Mais ces bruits sont en quelque sorte une musique. Pourquoi ces bruits ? Parce que je crois que les véhicules sont le point de départ d’une rave. Un élément indispensable car sans véhicule il n’y a pas de soirée. Parce que ces véhicules servent au transport du matériel d’abord, des gens ensuite. Le matériel est, en effet, extrêmement lourd et les lieux choisis sont souvent éloignés des habitations, difficiles d’accès. Cette phase de bruits serait en quelque sorte une introduction d’une vingtaine de secondes environ. Puis viendrait la présentation du documentaire. Toujours pas de musique. Ma voix sans aucune autre sonorité. « Morceaux de rave, un documentaire réalisé par PolO, 2006-2007. » Sur la fin de ma voix j’imagine bien, toujours sans musique, des verres qui s’entrechoquent, des bruits de bières décapsulées, puis des rires, des dialogues : tout ce qui pourra permettre à l’auditeur de se représenter un apéritif. Une vingtaine de secondes environ puis enfin la musique. Je garde présent à l’esprit qu’il faudra que je veille à amener une progression dans la musique pour que les non initiés puissent écouter ce documentaire sans que la musique ne les agresse trop brusquement. J’apporterai donc un très grand soin au choix des morceaux de musique. Et je ne ferai pas ce choix tout seul je m’entourerais à la fois de gens qui créent cette musique et de gens qui n’en ont jamais écouté afin de recueillir leurs avis. Je tiens toutefois à faire entendre à travers la musique toutes les facettes de ces soirées. J’essaierai d’habituer l’oreille à l’écoute de cette musique un peu particulière et réputée difficile d’accès. Le premier extrait musical sera donc un morceau de techno assez basique, appuyée par une mélodie connue de tous (je pense à la bande originale de Requiem for a dream de Clint Mansell ou bien encore à la musique de Matrix voir pourquoi pas partir sur une mélodie classique du type mix de la 9ème symphonie de Bethoven). Je réintroduirai progressivement sur la musique les cris des gens qui boivent l’apéritif en tentant de montrer que l’excitation semble atteindre un pic. J’imagine pour cette séquence une durée maximale de 30 secondes environ. Puis fin de la musique et des voix. Un silence d’une ou deux secondes. Et une sonnerie de téléphone pour que l’on puisse comprendre que nous sommes en interaction par le biais d’un téléphone ou bien des bruits de touches de téléphone assez caractéristiques. Ceci précèderait un message sur répondeur annonçant le lieu de la fête. C’est ce que l’on appelle l’infoline. Un système de messageries vocales protégées par un code confidentiel qui permet aux gens en sa possession de connaître l’itinéraire pour se rendre à la soirée. Ces messages sont souvent assez mal enregistrés et les personnes parlent souvent très vite et sont parfois difficiles à comprendre et ce d’autant plus que leur voix est régulièrement couverte par de la musique. L’écoute de l’infoline suit l’apéritif et introduit généralement le premier temps de la rave : la recherche.

Publié dans altertek

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